BMW M1 Rallye Groupe B : Mission impossible

Découvrez l’histoire fascinante et tumultueuse de la BMW M1, une voiture qui a marqué l’histoire de la compétition automobile pour des raisons inattendues. Dans cet article issu du magazine AUTOhebdo n°462 du 14 mars 1985, plongez au cœur des défis et des échecs rencontrés par cette GT sportive.

Malgré ses qualités techniques et son moteur performant, la M1 a souvent causé plus de torts que de succès à BMW. Apprenez comment cette voiture, pourtant prometteuse, n’a jamais réussi à s’imposer face à ses rivales et explorez les raisons de ses difficultés en compétition. Un récit captivant pour tous les passionnés d’automobile et d’histoire sportive.

Autant annoncer tout de suite la couleur : je n'ai jamais compris comment BMW-France avait pu se lancer dans une pareille aventure.
Au risque de passer pour un rabat-joie, j'irai même plus loin : la BMW M1 aura, durant sa brève carrière, causé beaucoup plus de torts et de problèmes au constructeur munichois, qu'elle n'aura engendré de satisfactions. Quand on bénéficie d'une image de course comme celle de BMW avec une gamme de voitures de tourisme réputées, à juste titre, fiables, rapides, efficaces, bref sérieusement construites, je ne vois pas l'intérêt d'hypothéquer une telle réputation par des entreprises hasardeuses. Il faut dire que, d'une manière générale, exception faite au titre suprême obtenu en Formule 1, BMW n'a jamais eu, en compétition, des résultats transcendants. Quelques titres européens en F2 et en Tourisme, quelques titres nationaux... La moisson est faible, comparée à celle de Porsche qui a su vaincre dans toutes les catégories, de la F1 au rallye en passant par l'endurance. Alfa Romeo, Ford et même Renault peuvent également se prévaloir d'une réussite sportive infiniment plus nette. Cela tient sans doute au fait que BMW ne s'est jamais totalement investi en compétition. Son engagement s'est toujours effectué de manière indirecte : March en F2, Brabham en F1, écuries Alpina, Schnitzer et Cie en Tourisme, etc.. Une superbe GT Selon les spécialistes des rallyes français, la M1 aurait pourtant, au cours de ses trois dernières saisons infructueuses, bénéficié d'un succès d'estime de la part du public. C'est probable car il s'agit d'un objet rare, monstrueux et propulsé par un moteur qui hurle comme il faut. Mais revenons d'abord à la version de série. Conçue dans l'esprit des Ferrari 308 GTB et autre Maserati Merak, la M1, tout aussi inhabitable que ses prestigieuses rivales italiennes, bénéficiait en revanche d'une conception plus moderne, plus rigoureuse et donc plus favorable aux performances. Pièce maîtresse un magnifique six cylindres 3,5 litres, 24 soupapes, monté en position longitudinale/centrale et surbaissé au maximum. Bloc-cylindres en fonte emprunté au coupé 635, culasse à quatre soupapes par cylindre entraînées par deux arbres à cames en tête (dérivée des culasses utilisées en groupe 2 sur les coupés 3.0 CSL), lubrification par carter sec, injection mécanique Bosch-Kugel-fischer, échappement type « spaghetti 6 dans 2 dans 1 », etc. Avec un rapport volumétrique de 9 à 1, cette noble mécanique développait quelque 277 ch à 6 500 tr/mn, pour un régime maxi de 7 000 tr/mn, et surtout, 33,5 mkg de couple maxi à 5 000 tr/mn. (Pour mémoire, une Ferrari 308 GTBi développe aujourd'hui une puissance de 240 ch.) L'ensemble boite/pont ZF avec cinq rapports synchronisés et un différentiel autobloquant à 40% assurait la transmission par l'intermédiaire d'un embrayage bi-disque. Côté châssis, la M1 disposait d'une structure tubulaire acier recouverte d'une carrosserie polyester collée et rivetée. Dessinée par Giugiaro, la M1 devait d'ailleurs initialement être assemblée chez Lamborghini. Empattement assez long (256 cm), voies extra-
larges (155/157 cm), suspensions compétition classiques avec triangles superposés et combinés ressort-amortisseur. La berlinette BMW avait bien été conçue, dixit Neerpasch, comme une voiture de course adaptée à la route. C'était original à une époque où la solution inverse était la plus courante (transformer une voiture de série pour les besoins de la course), mais cela n'a malheureusement pas débouché sur grand-chose de positif. Belle mécanique, beau châssis, bien qu'un peu trop lourd (1 300 kg), la M1 de série disposait aussi d'un excellent freinage (quatre gros disques ventilés) et d'un bon équipement pneumatique avec des Pirelli P7 en 205/55 VR 16 à l'avant et 225/50 VR 16 à l'arrière.
Lors des premiers essais de cette version « série » si l'on peut dire, compte tenu du caractère artisanal et confidentiel de la M1, nous avions été agréablement impressionnés par l'agrément et par l'efficacité de cette berlinette. Commandes douces, direction, embrayage, boîte de vitesses, freins efficaces et endurants, moteur souple, suspension confortable (la Ferrari 308 GTB était indiscutablement dépassée dans tous les domaines), rapide sur autoroute (260 km/h chrono), très brillante à l'accélération (25'9 aux 1000 m départ arrêté), amusante à piloter sur routes sinueuses en montagne, nous n'avions à l'époque que trois reproches à formuler ligne sans originalité, habitabilité insuffisante, direction trop démultipliée problématique en cas de contre-braquage rapide nécessaire. La M1 était effectivement alors l'une des rares voitures de sport réellement efficaces au sens le plus exigeant du terme, c'est-à-dire conduite à 100% de ses possibilités sur route ou sur piste. Partant de là, on pouvait imaginer que contrairement aux Ferrari 308 GTB et autres Lamborghini qui ne s'étaient jamais trop aventurées en compétition, la M1 avait devant elle un bel avenir en compétition... Petite carrière dans le show-biz C'est sans doute injuste eu égard à ses qualités de base, mais la M1, à la réflexion, n'avait guère de créneau pour briller en compétition. Impossible de gagner les 24 Heures du Mans (sinon dans une anonyme sous-division), difficilement envisageable de gagner un rallye de championnat du monde... Que faire pour montrer au public cette belle auto au destin incertain ? Une seule solution : le show-biz. Une super « Coupe R5 » ! On profite du public F1, on met quelques pilotes de F1 dans ces M1, quelques valises de deutsch marks à la clé, d'autres pilotes de tous horizons s'engagent : la Coupe BMW M1 Procar est née. Avec un petit kit quand même, 470 ch, poids ramené à 1080 kg, gros freins, suspensions revues, jantes de 11.0 et 12.5 x 16 etc. la M1 allait enthousiasmer son monde par ses performances et la témérité des pilotes tels que Stuck, Winkelhock et Cie. Il fallait voir la meute des BMW M1 lâchée dans les rues de Monaco en prologue du Grand Prix ! Impressionnant, spectaculaire, mais ce n'était que du show-biz... Pour affronter la concurrence et tenter de donner quelques lettres de noblesse à cet enfant né sans but précis, on essaya bien d'en faire une groupe 5 avec l'aide de March. Pour le châssis (toujours la sous-traitance pour les châssis en compétition) et un turbo pour le moteur (800 ch !), cette entreprise, là non plus, ne fut pas couronnée d'un grand succès. La M1 était condamnée à errer sans but. De Procar en Gr. 4, de Gr. 5 en IMSA avant d'effectuer une pré-retraite en championnat de France des Rallyes ! Quand Audi a sorti sa Quattro, le but de l'opération était clair. Il a été atteint sur toute la ligne : titres de champion du monde des rallyes, bond en avant de l'image de marque, et traçage d'une voie d'avenir pour la voiture de M. Tout le Monde !
La M1 en rallye : un défi Lorsque BMW-France décida d'engager le M1 en rallye, la majorité des spécialistes exprimèrent leur scepticisme. De sorte que BMW décidait de présenter à la presse cette opération comme un défi. L'humilité des communiqués de l'époque avait, à nos yeux tout au moins, quelque chose de choquant, venant d'une marque comme BMW engageant le modèle le plus cher de sa gamme dans une épreuve nationale aux mains d'un pilote de classe internationale ! Aussi paradoxal que cela puisse paraitre, BMW avec son coupé de « course », six cylindres/24 soupapes de près de 500 ch (!), craignait d'éprouver quelques difficultés à s'imposer face aux Renault 5 Turbo et autres Opel Ascona ou Manta ! Petit moteur 1,4 I turbocompressé pour la Renault, modeste 2,41 atmosphériques avec architecture classique pour l'Opel (et pont AR rigide, allions-nous oublier), le règlement des Gr. 4 puis Gr. B serait-il truqué pour permettre aux « voitures mal conçues » de rivaliser avec les autres ? Non, il y avait d'un côté des voitures homogènes, éprouvées, développées et assistées par des équipes au fait des problèmes du rallye, et, de l'autre, une voiture certes puissante et bien conçue, mais justement trop puissante, trop encombrante donc très difficile à adapter aux exigences du rallye. Et une équipe incontestablement très sérieuse et respectable, mais inexpérimentée en la matière. Même avec un pilote du calibre de Bernard Darniche, l'aventure était difficilement jouable... Consciente des difficultés, l'équipe d'Hugues De Chaunac se mettait néanmoins au travail en piochant abondamment dans les pièces du kit Procar qui correspondait à la définition groupe 4 de l'époque. Après trois saisons (82 avec Darniche, 83 et 84 avec Béguin) sans succès aucun dans le championnat de France des rallyes, la M1 va finir ses vieux jours comme beaucoup de voitures, en course de côte ! Avant de passer à l'essai de cette M1
SOUS LE SIGNE DE LA DOUCHE ÉCOSSAISE Ainsi donc, la BMW M1 Rallye » aura terminé sa carrière routière sans avoir jamais réussi à remporter le moindre succès dans une épreuve de championnat de France de 1 Division. Elle a certes, triomphé à trois reprises, mais dans des rallyes d'importance secondaire : le Salève en 83, puis le Lorraine et La Baule en 84. Pourtant, ce n'est pas faute d'avoir trop souvent flirté » avec la victoire. La M1 a accumulé les scratches » durant sa carrière, mais un petit grain de sable pernicieux a pris un malin plaisir à enrayer la belle mécanique. Trois saisons de rallye pour la M1 : beaucoup d'espoirs, mais trop de déceptions. L'idée d'engager un tel monstre en rallye revient à Bernard Darniche. C'était en 1981. Bernard, à l'époque, figurait au sein de l'équipe Oreca qui engageait, souvenez-vous, une BMW M1 Gr. 5 dans le championnat du monde d'endurance. Peu avant les 24 Heures du Mans, Darniche, à la suite d'un essai sur le circuit de Magny-Cours, glissa dans l'oreille d'Hugues De Chaunac : « Ce devrait être une voiture fabuleuse en rallye ». Sur le moment. De Chaunac n'y prête guère attention, mais plus tard, Darniche revint à la charge avec beaucoup plus d'insistance ; c'est comme cela qu'un projet rallye » arriva sur le bureau de M. Jean-Luc, directeur de BMW-France. De fil en aiguille, BMW Motorsport donna son aval, et la décision de tester la M1 en rallye fut prise à la mi-octobre 81. Le challenge était passionnant mais difficile, se rappelle Hugues De Chaunac, directeur d'Oreca. Nous ne possédions aucune expérience du rallye, aussi bien sur le déroulement que sur les problèmes d'assistance. Heureusement, Bernard Darniche et son compère Alain Mahé, très enthousiastes, nous ont apporté une aide précieuse ». Techniquement, il avait fallu sérieusement revoir la préparation de la M1. En juin, elle avait participé aux 24 H du Mans en groupe 5 ; six mois plus tard, elle était alignée au rallye du Var en configuration Gr 4. Cette « adaptation » n'avait pas été poussée à son maximum, car la BMW, pour ses débuts, cassait un triangle au cours de la première spéciale ! Après réparation, les organisateurs autorisaient Darniche à poursuivre son test en qualité « d'ouvreur » ... « Un moment douloureux pour toute l'équipe, se souvient De Chaunac. La direction de BMW s'était déplacée spécialement et j'étais dans mes petites souliers ! D'un autre côté, le fait d'avoir pu poursuivre, même à blanc", nous a confortés sur les possibilités de la M1 ». Malgré ce départ manqué, BMW-France donnera une suite favorable à cette expérience. Début 82, l'accord était scellé : Darniche et Mahé défendraient les couleurs de la maison au volant de cette M1, préparée, développée et assistée par l'équipe Oreca. Pour cette écurie jusque-là entièrement vouée à la piste, c'était une nouvelle expérience. Il a fallu mettre une structure en place... et s'aguerrir, dit encore De Chaunac. Les trois ou quatre premiers rallyes de 82 nous ont apporté leur lot de problèmes. Jamais de gros pépins, mais des peccadilles qui survenaient généralement en début d'épreuve. Moralement, c'était difficile à supporter ». Le déclic allait survenir à l'occasion du Tour de Corse. Pas de victoire, mais une prestation plus qu'honorable jusqu'à l'abandon de la M1. C'est à ce moment-là que l'opération est devenue crédible auprès des observateurs, indique De Chaunac. Trop de gens, en effet, avaient considéré l'engagement de la M1 comme un coup de pub... » Gonflée à bloc, de plus en plus expérimentée, toute l'équipe se mobilisait pour conquérir cette première victoire... qui allait se dérober ! Au Mont-Blanc, la M1 était en tête, mais jugeant que c'était de la folie que d'engager cette voiture sur les étapes en terre, les responsables la retiraient de l'épreuve. Au Tour Auto, nouveau baroud de Darniche (14 scratches d'affilée) lancé à la poursuite d'Andruet, mais pour la gloire. En 83, un Bernard chasse l'autre. Béguin remplace Darniche, émigré sous d'autres cieux. La M1 (toujours la même) étonne, épate l'adversité, séduit le public par la puissance mélodieuse de son moteur 3,51, mais n'atteint pas la plus haute marche du podium. Pas faute d'essayer pourtant ! Durant l'intersaison 83/84, le châssis de la M1 est complètement refait. C'est l'année ou jamais. Ça démarre timidement (peccadilles, comme toujours), mais après les victoires au Lorraine et à la Baule, l'espoir renaît. Pour se transformer vite fait en désespoir au Mont-Blanc, c'est l'abandon dans l'ultime spéciale. A l'Antibes c'est tellement fin entre Béguin et Capone, que l'on donne la M1 victorieuse ! Pas de chance, elle sera seconde... « Beaucoup de joies, conclut De Chaunac, mais trop de déceptions. Pour l'équipe Oreca, la découverte du monde fantastique du rallye. C'est le point positif de cette expérience. Quant à l'échec, puisqu'il faut bien appeler les choses par leur nom, je dirais qu'il nous est imputable dans la mesure où la malchance n'existe pas en sport automobile. Pourtant, je peux t'affirmer que pour la première fois de ma carrière, en mon for intérieur, j'ai mis certains échecs sur le compte de la malchance. On avait tout, mais ça n'a pas suffi... Pour résumer, je dirais que cette expérience BMW M1 aura été fabuleuse et... désespérante ».
rallye, je voudrais tout de même préciser une chose. À ceux qui s'étonneraient de la dureté du jugement porté sur l'initiative de BMW-France avec la M1, je ferais remarquer ceci : quand on dispose d'une aussi belle gamme, d'une voiture « conçue pour la course », et de moyens importants, on n'a pas le droit de perdre ; tout au moins perdre tout le temps. Et l'on a, à mon sens, encore moins le droit de se lamenter par voie de communiqués de presse sur la malchance qui a fait céder une transmission à trois kilomètres d'une arrivée etc. Les « Si j'avais pas eu ceci ou cela, j'aurais gagné », c'est bon pour les discussions de paddock, mais pas pour les communiqués de presse d'une filiale de BMW. Cette avalanche de communiqués ineptes nous a agacé, cela se sent, aussi nous vous prions de bien vouloir nous en excuser. Un essai difficile L'essai d'une voiture de compétition pose toujours de nombreux problèmes. Contrairement aux voitures de série que l'on peut généralement essayer où l'on veut, quand on veut et aussi longtemps qu'on le désire, les « bêtes de course » ne sont souvent disponibles qu'en un endroit bien précis. Pour un laps de temps limité, et dans des conditions qui sont souvent loin d'être idéales. En ce qui concerne la M1, l'essai s'est déroulé sur le circuit de Magny-Cours, sans restriction pour sa durée. Mais par un temps exécrable. A priori, ce n'est pas dramatique pour une voiture de rallye, à ceci près que toute mesure chiffrée devient inintéressante, mais encore aurait-il fallu que la voiture soit bien adaptée aux conditions de piste. Bref, je prends place dans l'habitacle de la M1. Première surprise, en dépit de mes 173 cm peu encombrants, mon casque touche l'arceau. Seconde surprise, le tableau de bord fait plus penser à une voiture de circuit qu'à une voiture de rallye. Si l'on excepte le « trip » Jaeger situé comme il se doit face au baquet du copilote, on découvre en effet une instrumentation assez réduite et des commandes bien regroupées. Ce n'est d'ailleurs pas plus mal, mais j'ai le souvenir de certaines voitures de rallye aux tableaux de bord façon Boeing, envahis de cadrans, hérissés de commandes en tout genre, et parsemés de relais, fusibles et autres bricoles, en fonction ou prévues pour le dépannage. Non, la M1 me fait plutôt penser à mon ex-635 de Production. À la mise en route du moteur, allumage coupé pendant que l'on actionne le démarreur, je pouvais d'ailleurs aussi bien penser à la M635 Production de Ballot-Léna, dotée d'un moteur presque identique. Démarrage sans problème, bonne commande de boîte de vitesses, c'est parti. Le moteur est souple et vigoureux à bas régime, fougueux et agile à haut régime. Préparé par H. Mader, ce moteur, bien que dérivé directement de la version Procar, a reçu les indispensables modifications pour un usage routier. Principalement, un arbre à cames moins pointu et une came de richesse correspondante (pompe à injection). La puissance chute de 470 à 430 ch au profit du couple qui passe de 40 à 50 mkg vers 6 000 tr/mn ! C'est plus qu'il n'en faut !... Pourtant je constaterai rapidement que la motricité est excellente. La puissance, comme sur tous les moteurs atmosphériques à quatre soupapes par cylindre, arrive en douceur et pose, de ce fait, peu de problèmes de pilotage. La boîte de vitesses ZF, à rapports « rallye », permet en outre une excellente exploitation de ce moteur avec une vitesse maximum, rarement atteinte sur route, de 220 km/h à 8 500 tr/mn. Changements de rapide, bon étagement, rien à redire de ce côté sinon que, quel que soit le parcours utilisé, il n'existe pas d'autres combinaisons de transmission possible. En effet, seule une série de rapports rallye » et trois rapports de pont disponible : série (260 km/h maxi), circuit (310 km/h maxi) et rallye (220 km/h maxi). Après quelques tours de chauffe pour se familiariser avec cette puissante monture, je commence à attaquer un peu. Deux problèmes se manifestent immédiatement le ralenti à environ 2 000 tr/mn ne facilite pas les freinages, et le sous-virage est trop important. Arrêt aux stands. À la question n°1, on me répond que c'est effectivement un problème... mais que c'est toujours comme ça !!! La descente du Turini au volant d'un monstre de 1 180 kg à vide, animé par 470 ch avec une commande d'accélérateur qui ne ferme jamais complètement, il y a de quoi faire un film pour le festival d'Avoriaz ! On va donc « s'adapter »... À la question n° 2, point de réponse. Je reprends donc la piste toujours sous la pluie bien sûr, pour essayer de trouver malgré tout quelques astuces pour m'accommoder de la commande d'accélérateur et pour atténuer le sous-virage. Rien n'y fait. La M1 n'apprécie pas qu'on la balance en survirage. Mes tentatives dans ce sens se soldèrent à chaque fois par une grande difficulté de contrôle, louvoiements, réactions dans la direction, passage du survirage au sous-virage et inversement. Bref, le piège permanent. Mieux vaut encore passer les courbes en sous-virage mais en exploitant l'excellente motricité dès que possible. Les temps obtenus (1'45'0) étant particulièrement médiocres, je m'arrête à nouveau pour demander au responsable de l'équipe s'il ne connaît pas un moyen pour atténuer le problème. Faute d'autres propositions, il accepte de faire débrancher la barre anti-roulis avant, comme je le lui demande. Résultat, la M1 sous-vire un peu moins, les temps descendent à 1'41"6, mais le problème subsiste de façon très nette, et porte préjudice aux performances. Devant ma perplexité, le responsable (peut-être un peu démobilisé par le fait que sa voiture est maintenant bonne pour le musée) m'explique que les Pirelli pluie qu'il a montés sont des « UNU », c'est à dire la gomme la plus dure disponible ! On utilise en général des gommes plus dures sur piste que sur route, mais lorsqu'il fait un froid de canard. Les gommes dures ne chauffent pas, et l'adhérence est nulle. Ne pouvant disposer d' « UNF » (gomme intermédiaire) ou éventuellement d' « UNE » (gomme la plus tendre), je ne saurai donc jamais, et vous non plus, comment se comporte la M1 de rallye dans de bonnes conditions, c'est-à-dire réglée et chaussée comme il faut. En fait, je crois pouvoir écrire que dans les conditions idéales, hormis ce problème d'accélérateur, la M1 doit probablement virer comme sur des rails. Son freinage, autant que j'ai pu en juger dans ces conditions très défavorables, semble puissante. Pour l'endurance, impossible de se faire une idée sur piste mouillée. Puissante, probablement saine, la M1 a surtout souffert de sa monstruosité, comme on pouvait s'y attendre. Trop de poids et trop de puissance. Équation impossible pour les pneumatiques (265 x 16) chargés de passer la puissance. J'ai été « ennuyé par le sous-virage dans des conditions bien précises, mais il est évident que le pauvre Bernard Béguin a dû souvent user et abuser de son talent dès que l'asphalte devenait peu chaud, pour s'accommoder du survirage et du patinage engendrés par la « fusion » des pneus arrière. De toute évidence, 1420 kg (les 160 kg de l'équipage et 80 kg de carburant ajoutés aux 1180 kg de la M1) propulsés par 430 ch, c'est trop pour des pneus de 265 mm de largeur. D'un côté, un potentiel énorme, un moteur fabuleux. Des performances sensationnelles dès que le tracé devient un peu rapide ; de l'autre, ce poids qui est l'ennemi du freinage, l'ennemi de l'adhérence transversale et le bourreau des pneumatiques lorsqu'il s'agit de passer la puissance au sol ! Par ailleurs, on ne secoue pas impunément une telle masse à coups d'accélérations, de freinages, de glissades et de décollages. Les pneus souffrent, mais les transmissions et les suspensions avec. La valeureuse équipe de Bernard Béguin et Jean-Jacques Lenne en a fait la cruelle expérience. Pour être juste, il faut reconnaître qu'effectivement la malchance s'en est parfois mêlée. La M1 aurait dû remporter quelques épreuves comptant pour le championnat de France, à défaut de pouvoir envisager le titre. Je ne pense pas que l'équipe Oreca puisse être mise en cause, de même que la compétence de Bernard Darniche et de Bernard Béguin ne fait aucun doute. Non, décidément, la M1, bien que techniquement très réussie en tant que GT sportive, n'avait rien à faire sur les routes du championnat de France des rallyes...